Si je te dis « pollinisateur », tu penses sans doute aux abeilles domestiques qu’on élève pour leur miel. En ce cas, tu as un peu raison, mais ce ne sont pas les seules !
Déjà, faisons le point sur la pollinisation. Les scientifiques estiment que 80 % des plantes à fleurs parient sur les pollinisateurs pour leur reproduction : ce sont eux qui transportent le pollen d’une fleur à l’autre. Le pollen, c’est une poudre que les fleurs fabriquent pour se reproduire entre elles. Pas de pollen, pas de fécondation. Pas de fécondation, pas de graine ni de fruit. Pas de graine, pas de reproduction. Ou alors une reproduction à l’identique, sans diversité ni capacité d’adaptation face aux changements de l’environnement. C’est dire à quel point la pollinisation est cruciale ! Heureusement que l’abeille domestique n’est pas la seule à remplir cette fonction.
En France, les entomologistes (les scientifiques qui s’intéressent aux insectes) ont décrit près de 1000 espèces d’abeilles sauvages, des cousines de l’abeille domestique. Et ce ne sont pas les seules espèces pollinisatrices. Qui sont les autres ? En France métropolitaine, ce sont tous les insectes qui visitent les fleurs et qui emportent le pollen accroché sur leurs poils : des abeilles bien sûr, mais aussi des mouches, des papillons, des coléoptères et des punaises. Tous contribuent à la pollinisation. Sous d’autres latitudes, ce rôle est également rempli par des mammifères, des reptiles et des oiseaux qui se nourrissent sur les fleurs. Le pollen peut s’accrocher partout !
Les insectes pollinisateurs ne travaillent pas gratuitement. La plupart visitent les fleurs pour s’y nourrir et transportent donc du pollen d’une fleur à l’autre involontairement. Au fil de leurs visites, ils amassent sur leur corps des grains de pollen qui se déposeront sur d’autres fleurs. Beaucoup d’insectes pollinisateurs… mangent le pollen ! Ou bien s’alimentent à partir d’un jus sucré spécialement produit par les plantes pour attirer les pollinisateurs : c’est le nectar. Les pollinisateurs qui sont équipés de trompes peuvent atteindre le fond de la fleur et aspirer le nectar comme avec une paille. Mais certains s’en servent aussi pour se nourrir sans rentrer dans la fleur : un petit trou sur le côté pour passer sa trompe, et le voleur est servi ! On parle dans ce cas en effet de vol car l’insecte ne ramasse ni ne dépose de pollen et ne pollinise donc pas la plante qui le nourrit.
Les plantes et les pollinisateurs sont plus ou moins dépendants les uns des autres, et c’est ce qui est en partie à l’origine de leur fabuleuse diversité. A priori, plus une fleur attire de pollinisateurs, plus elle a de chances d’être fécondée. Mais seulement si le pollen est échangé entre deux fleurs de la même espèce ! Pour garantir le succès des échanges, les plantes ont deux stratégies : se spécialiser ou faire dans le vrac. Certaines orchidées ont un contrat exclusif avec un seul type de pollinisateurs. Elles assurent leur fidélité en imitant l’odeur et la forme des femelles de leurs pollinisateurs. Trompés, les mâles tentent de copuler avec la fleur… En vain (pour eux) mais en se chargeant de pollen !
À l’opposé, certaines fleurs comme les carottes sauvages attirent une pléthore d’insectes qui viennent s’y nourrir, se reposer, ou se reproduire. Tous peuvent contribuer (à des degrés divers) à la pollinisation de ces plantes.
Les deux stratégies ont des avantages et des inconvénients. Les plantes généralistes qui attirent de nombreuses espèces de pollinisateurs ont plus de chances de recevoir du pollen, d’autant que si une espèce de pollinisateur venait à disparaître, d’autres assureraient la pollinisation. Mais ce n’est pas toujours garanti que le pollen qu’ils transportent vient de la bonne plante. De leur côté, les plantes qui ne font affaire qu’avec une seule espèce de pollinisateurs s’assurent le transport privilégié du bon pollen. Mais cette spécialisation les rend également très vulnérables à la disparition de leurs visiteurs !
Les insectes pollinisateurs sont aujourd’hui menacés par plusieurs facteurs : la réduction de leurs habitats, le réchauffement climatique qui peut décaler la période d’activité des insectes par rapport à celle de la floraison (de quoi affamer les pollinisateurs…), ou encore un usage important des pesticides. Autant de perturbations qui peuvent se répercuter sur tout l’écosystème à travers les relations qui existent entre les plantes, les insectes et leurs prédateurs, les prédateurs de leurs prédateurs, etc. Pour ces raisons, il est impératif de mieux comprendre la biologie des pollinisateurs pour les protéger efficacement. Tu peux toi-même aider les scientifiques dans cette vaste tâche… en prenant des photos qui permettront de savoir quels pollinisateurs se nourrissent sur quelles fleurs, à quel endroit et à quel moment.
Cet article a été publié par The Conversation France – Licence Creative Commons. Auteur(e.s) : Frédéric Barraquand, Chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Institut de Mathématiques de Bordeaux, Université de Bordeaux & Alix Sauve, Chargée de mission « Liste Rouge des Écosystèmes », Comité Français de l’UICN