Tous les enfants grandissent. Tous sauf un. La mignonne Wendy se rendit compte qu’elle avait grandi le jour de ses deux ans, quand elle entendit sa maman s’écrier :
- Comme j’aurais aimé que tu restes petite !
Sa maman était une dame réservée et jolie comme une fleur, avec un baiser posé sur le coin de ses lèvres. Un baiser qui ne s’était pas encore envolé. Elle avait épousé un monsieur Georges Darling. Un comptable sérieux. Au bureau, il comptait. Et une fois rentré chez lui, il continuait à compter, calculer, additionner, multiplier… Quand Madame Darling avait voulu un bébé, Monsieur Darling avait fait ses comptes : prix des aliments, prix des vêtements, prix des sous-vêtements, des embêtements et des endettements. Wendy fut autorisé à naître ? Puis ce fut le tour de John et Michael. Ils passèrent de justesse.
Les Darling habitait un quartier chic de Londres, il leur avait donc fallu une nurse. Cette nounou répondait au nom de Nana. Une vraie perle, cette Nana. Elle veillait à l’heure du bain : elle se levait la nuit pour écouter si les enfants respiraient ; elle n’oubliait jamais le maillot de John, les jours de foot. Et il fallait la voir, escortant les enfants sur le chemin de l’école en tenant un parapluie dans sa bouche !
En plus, elle ne leur coûtait que trois fois rien, car Nana était une chienne Terre-Neuve.
Chaque samedi, jour de congé de Nana, Madame Darling montait souhaiter le bonsoir à ses enfants et leur offrir une histoire. Mais, pas de baiser.
Quand l’histoire les avait endormis, elle mettait un peu d’ordre dans leurs têtes. C’est fou ce qu’on peut découvrir dans la tête des enfants : des images, des petits gros mots, des bouts d’aventure, des bouts de ficelle, de papier, de chocolat ou de tables de multiplication… et plein de rêves changeants.
Dans les rêves de Wendy, Michael et John, il y avait souvent une île, avec des tentes d’Indiens, un lagon avec des flamants roses et puis un nom qui revenait sans cesse : Peter, Peter Pan…
Parfois, Madame Darling se demandait si elle n’avait pas voyagé autrefois dans les mêmes rêves.
Un samedi de printemps, en pleine nuit, un souffle d’étoiles ouvrit la fenêtre de la chambre. Wendy vit entrer un garçon bizarre et souriant. Tout autour de lui tourbillonnait un petit feu d’artifices.
- Je m’appelle Peter Pan. Et toi ?
- Moi, c’est Wendy, Moira, Angela Darling. TU as quel âge ?
Imaginez la tête que vous feriez si, pendant une leçon de calcul, on vous demandait de réciter la liste des rois de France ! Eh bien, cela vous donnera l’idée de la tête que fit le garçon.
- Je sais pas… Je me suis sauvé quand j’étais tout petit, le jour où j’ai entendu mes parents dire que je deviendrai un homme. Wendy, Moira, etc., veux-tu être ma maman ? Toi, tu me raconteras des histoires. J’adore les histoires ! C’est pour cela que j’écoute derrière les fenêtres. Moi, je t ‘apprendrai à voler. Je t’emmènerai jusqu’à mon île, au pays de Neverland.
Il s’arrêta un instant et appela :
- Clochette ! Clochette ! Clochette, viens ici ! J’ai besoin de toi.
Le miroitement qui zigzaguait autour de lui vint se poser sur sa main. Wendy découvrit une demoiselle scintillante et rondelette, haute comme trois pommes à genoux.
- C’est une fée, explique Peter Pan.
Quand le premier de tous les bébés a éclaté de rire, son rire s’est brisé en mille morceaux et chaque petit morceau est devenu une petite fée comme Clochette.
Michael et John, qui venaient de se réveiller, ouvraient de grands yeux et des bouches plus grandes encore.
- Et vous deux, les garçons, voulez-vous vous envoler avec nous ? demanda Peter. Eblouis, ils firent :
- Oui-oui-oui !
Alors, Peter souleva Clochette et la secoua comme une salière au-dessus des enfants, les saupoudrant d’une fine poussière de lumière.
- C’est de la poudre de fée.
Pensez à quelque chose de merveilleux et vous volerez. Vous serez mes amis et Wendy sera ma maman.
Clochette fit une grimace, et l’on entendit sa voix délicate comme un tintement argentin de cristal.
- T’es complètement dingue ding-ding ! s’écria-t-elle en s’échappant de sa main.
- Clochette est jolie, mais pas jolie, dit Peter. Ne faites pas attention. Allez, suivez-moi !
Soudain la porte s’ouvrit. C’étaient Monsieur et Madame Darling, alertés par le bruit. Ils restèrent là, plantés, étonnés, sidérés, le cœur déchiré, n’en croyant pas leurs yeux : leurs enfants s’envolaient dans le ciel étoilé.
Guidés par Peter Pan, les enfants volèrent pendant plusieurs soleils et lunes. Ils se laissaient porter sur le dos du vent, ils jouaient à chatouiller la queue des oiseaux ou les ailerons des requins, ou bien à égratigner la crête des vagues. Clochette s’amusait à frôler Wendy et à lui tirer les cheveux. Pete Pan virevoltait, filait de ci, de là, jouant à cache-cache derrière les nimbus et les cumulus.
Il disparut même pendant un long moment. Enfin, il revint, tout content de lui.
- J’étais aller raconter des blagues aux étoiles. Je ne pensais plus à vous.
- Ne nous quitte pas, supplia Wendy. Sans toi, nous ne retrouverons pas le pays de Neverland.
- Ah oui ! Mon île ! Mais c’est facile : au carrefour des vents, prendre la deuxième à droite, après c’est tout droit. Là-bas, il y a mes copains, les garçons perdus, qui sont poursuivis par les pirates, qui sont poursuivis par les Indiens, qui sont poursuivis par les bêtes sauvages, qui sont poursuivis par les Garçons perdus.
- C’est qui, les Garçons perdus ?
- Des anciens bébés qui sont tombés de leurs landaus et que personne n’a jamais réclamés.
- Et toi, tu n’es poursuivi par personne ?
- Si ! Par un capitaine… Je vous raconterai.
Enfin ils arrivèrent en vue de l’île. Ou peut-être, ce fut elle qui vint à leur rencontre. Ils reconnurent le village des Indiens, le lagon avec ses flamants roses, le bateau des pirates…
Un éclair déchira le ciel ! Une explosion claqua ! Un grand souffle d’air les bouscula.
- C’est encore ce maudit Capitaine Crochet ! s’écria Peter. Il me tire dessus avec son gros canon. Il a repéré la lumière de Clochette. On cacha la petite fée dans le chapeau de John, et Wendy fut chargée de le porter.
- Qui c’est ce capitaine Crochet ? demande-t-elle.
- Mon ennemi mortel. C’est le chef des pirates. Il a un crochet à la place de la main droite. Un jour, on s’est battus en duel tous les deux. Mais comme je suis très très fort à l’épée, je lui ai coupé un bout de bras, et ce bout de bras est tombé à l’eau et le crocodile à pendule l’a mangé, et Crochet veut se venger, et il me poursuit sans arrêt, et il me tire dessus avec son gros canon, et il…
- C’est quoi ce crocodile à pendule ? demanda Wendy.
- C’est un crocodile tellement glouton qu’il a avalé une pendule sans la mâcher, ce qui est très mauvais pour la santé. Depuis le crocodile sonne les heures, les demi-heures et les quarts d’heure. C’est très pratique, car sur l’île, nous n’avons pas de montre. En plus, quand on entend son tic-tac, on est prévenus quand il arrive. Mais celui qu’il veut dévorer en premier est Crochet. Le croco a trouvé son bout de bras délicieux, alors il voulait goûter le reste.
En bas, sur l’île, Crochet continuait à canonner. Un boulet explosa au milieu de leur groupe, expédiant Peter vers les étoiles et John et Michael dans les nuages. Clochette saisit le doigt de Wendy.
- Viens vite, Wendy ! Descendons en piqué!
La fillette obéit. L’instant d’après, Clochette lâcha son doigt et disparu.Wendy ne se doutait pas que la petite fée lui préparait un tour à sa façon.
Wendy continuait à descendre en tournoyant. Le sol se rapprochait…
- Oh ! Pauvre de moi ! Pauvre Wendy ! Pauvre Wendy ! hurlait la petite fille.
- Une wendy ! Une wendy !
Six garçons vêtus de peaux de bête et armés d’arcs l’entouraient. C’étaient les garçons perdus. D’eux d’entre eux étaient jumeaux. Elle reconnut une autre voix toute charmante, toute méchante. Celle de Clochette.
- Tirez ! Tirez-lui dessus ! C’est une wendy, une sale bête nuisible ! C’est Peter Pan qui l’a dit. Wendy considéra la situation et leva le doigt pour demander la parole.
- Mes amis ! Comme son nom l’indique, cette Clochette est une petite cloche. Et vous connaissez le proverbe : « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. » En vérité, je suis la nouvelle maman de Peter Pan. Et , si vous voulez, je peux devenir votre maman, à vous aussi. Je raccommoderai vos chaussettes et je vous raconterai des histoires.Les garçons la regardèrent et se regardèrent avec des yeux ronds comme des cerises.
- Une maman, qu’est-ce que c’est ?
- Une maman, c’est une wendy, dit le jumeau numéro deux.
- Une wendy, c’est une maman, précisa le jumeau numéro un.
- Ça sert à raccommoder les chaussettes.
- Eh ! Moi, j’ai perdu une chaussette…
Clochette, clignotante de fureur, interrompit la discussion.
- Tas de crétins ! Vous ne savez donc pas qu’une wendy, c’est malin, menteur et ça mord !
Les garçons perdus hésitèrent. Finalement, ils décidèrent d’attendre Peter Pan. Les Garçons perdus conduisirent Wendy jusqu’à une colline où trônaient sept arbres creux. Les uns après les autres, quatre d’entre eux se faufilèrent chacun dans son arbre… et zouiiiiip, et zouiiiiip, et zouiiiiip, et zouiiiiip … disparurent.
Wendy resta seule avec les jumeaux.
- Ce sont les descendeurs-ascenseurs de notre maison secrète. Nous avons chacun le nôtre, expliqua le jumeau numéro un.
- Et pour remonter ?
- On s’accroche des mains, on gigote des pieds et on tortille des fesses, esxpliqua le jumeau numéro deux. Puis il ajouta :
- Tiens ! Voilà un arbre à tes mesures. À ton tour maintenant. Laisse-toi glisser.
Après une grande hésitation et un petit zouiiiiip, Wendy glissa et se retrouva dans une vaste pièce éclairée par la flamme d’une cheminée, meublée d’un arbre et de gros champignons.Elle remarqua dans l’un des murs, une chambrette de poupée, avec une commode d’époque Prince Charmant VI et un canapé aux reflets changeants comme les herbes sous la brise. Il y avait aussi un miroir de style Blanche-Neige.
Les jumeaux étaient restés dehors, pour monter la garde. Ils virent arriver Peter Pan, tout content de lui, comme d’habitude.
- Cette fois encore, j’ai été plus malin que Crochet !
Michael et John les rejoignirent bientôt. Peter regarda tout à l’entour.
- Avez-vous vu ma Wendy ?
- La wendy, on l’a enfermée en bas, répondit le jumeau numéro un. Une wendy, c’est un animal nuisible. C’est Clochette qui a dit que tu l’as dit.
- Imbécile ! Wendy, c’est ma nouvelle maman.
- Alors, elle n’est pas nuisible, elle est utile, dit le jumeau numéro deux. Sois tranquille, on l’a mise à l’abri bien au chaud dans notre maison.
Ils descendirent dans la maison souterraine. Clochette, toute fiérote, vient se poser sur la main de Peter. Il la chassa aussitôt et pointa sur elle un doigt pistolet.
- Toi, la jalouse, file dans ta chambre. Va donc t’admirer dans ton admiroir. Et ferme tes rideaux, je ne veux plus te voir. Clochette baissa le nez et alla bouder dans son boudoir.
- Maintenant, dit Peter en s’asseyant, maman Wendy va nous raconter des histoires.
Wendy leur raconta Cendrillon et La Belle au bois dormant, puis d’autres histoires encore.
Les jours passaient. Michael et John s’amusaient tellement qu’ils oubliaient leurs parents. Maintenant, Wendy était leur maman, à eux aussi. Elle racontait, cuisinait, raccommodait… Peter s’absentait souvent. Il disait qu’il partait à la chasse ou à la guerre contre les Indiens. Une fois, il revient couvert de pansements, racontant qu’il s’était battu contre un lion. Comme ses blessures étaient imaginaires, John fit semblant d’être médecin et lui donna des médicaments imaginaires.
Un jour, Peter emmena Wendy voir le Lagon aux Sirènes. Mais dès qu’ils s’approchèrent de l’eau, ces demoiselles les éclaboussèrent à grand coups de queue, puis elles s’éclipsèrent en éclatant de rire.
- Nageons jusqu’à l’Îlot es Abandonnés, proposa Peter, c’est là qu’elles font leur sieste. Tu pourras les voir de plus près et les entendre chanter.
Ils nagèrent jusqu’au Rocher noir. Personne. Ils prêtèrent l’oreille ; on entendait à travers la brume des paroles de chanson.
Pavillon noir ! Hisse et haut !
Piratons gaiement sur les flots…
Bataille… Mitraille…
Vive la canaille !
- Vite, Wendy ! Cachons-nous dans l’eau.
Wendy vit deux hommes débarquer, traînant une jeune Indienne qu’ils ligotèrent à un poteau. Peter chuchota à l’oreille de Wendy :
- C’est Bill le Tatoué et Gentleman Starkey. Elle, c’est Lis Tigré, la fille de Jaguar Terrible, le Grand Sachem.
- Belle damoiselle, ricana Gentleman Starkey, prenez place ! Madame la Marée va bientôt venir vous accueillir dans son humide demeure.
Une idée jaillit dans la cervelle de Peter : il imita la voix du Capitaine Crochet.
- Ohé ! Bill et Starkey ! Libérez la Peau-Rouge.
Les deux forbans s’arrêtèrent médusés.
- Marins d’eau de vaisselle ! Libérez-la et barrez-vous ! Ou vous allez goûter de mon crochet ! hurla Peter.
Ils obéirent aussitôt. Lis Tigré ne fit ni une ni deux e tplongea dans les flots. Peter et Wendy entendirent un clapotis. Une tête chapeautée de noir nageait vers le rocher.
- Voilà Crochet, murmura Peter.
- Ohé, mes pirate ! brailla le Capitaine Crochet. Avez-vous attaché la Peau-Rouge au poteau de noyade ?
- Ohé, mes pirate ! répéta Peter Pan, avez-vous attaché la Peau-Rouge au poteau de noyade ?
- Qui parle ? demanda Crochet.
- Moi ! Le Capitaine Crochet ! dit Peter.
- Ah ! Ah ! Ah ! Et si tu es Crochet, je suis qui, moi alors ?
- Toi, tu es un vieux hareng-saur pourri.
Une silhouette vêtue de rouge jaillit hors de l’eau et se hissa sur le rocher, en brandissant un crochet et un sabre d’abordage.
Peter grimpa sur le rocher, lui aussi.
- Je te reconnais, petit singe. En garde ! hurla Crochet.
Sans laisser à Peter le temps de tirer son épée, le capitaine lui balafra le bras d’un coup de son crochet. Son sabre moulinait l’air en sifflant comme une faux. Peter, habile escrimeur, esquivait à droite, à gauche, sautait, virevoltait, paraît et ripostait. Crochet réussit pourtant à le blesser à l’autre bras.
- Galopin ! Tu ne la connaissais pas, cette botte-là ! C’est Barbecue-Le-Rouge qui me l’a apprise, ricana le Capitaine.
Mais, peu à peu, le galopin se fatiguait, s’essoufflait. Il reculait, reculait.
Il se retrouva, haletant, au bout du rocher. Au-dessus des flots. L’épée de Peter pointée sur sa poitrine, il ne pouvait plus ni avancer, ni reculer.
- Rends-toi, Capitaine !
- Il ne sera pas dit que moi le grand Jacques Crochet, écumeur de toutes les mers, j’aurai été vaincu par un moussaillon ! Et il sauta dans les vagues.
On entendit alors de drôles de bruits : d’abord un plouf, puis un glou-glou-glou, et puis tic-tac, tic-tac, tic-tac, tic-tac, tic-tac, cric-crac, cric-crac, croc- croc- croc- croc…
Le crocro avait croqué Crochet. Il ne resta que le chapeau flottant sur les flots.
Wendy et Peter, coiffé du chapeau de Crochet, étaient maintenant seuls maîtres du Rocher noir. Mais la marée commençait à monter.
- Peter, partons vite ! s’écria Wendy.
- Je suis blessé, je ne peux plus ni voler, ni nager. Je n’ai pas peur de mourir. La mort sera pour moi une nouvelle aventure. Mais toi, sauve-toi.
- Peter, je ne peux pas m ‘envoler sans toi ! Ni nager non plus, car le crocodile a sans doute encore faim.
La marée montait. Montait. Ils se réfugièrent au sommet de l’îlot. Mais l’eau froide ne tarda pas à venir leur mordre les pieds. Ils étaient perdus. Soudain, dans une éclaircie de ciel bleu, un grand cerf-volant apparut piloté par Clochette.
- Diguiding- Diguiding ! Me voilà, mon Peter ! Lis Tigré est venue nous prévenir. Vite,
accroche-toi !
Peter et Wendy s’accrochèrent. Et le cerf-volant les emporta.Quand ils arrivèrent au-dessus de la maison souterraine, ils eurent une drôle de surprise : John, Michael et les garçons perdus fumaient calmement le calumet de la paix avec Jaguar Terrible et sa tribu. Lis Tigré sauta au cou de Peter et lui expliqua tout. Après s’être échappée de l’île, elle avait vu les pirates attaquer les garçons. Les garçons se défendaient de toutes leurs armes : arcs et flèches, épées de bois, couteaux de cuisine, cuillères à pot, poêles à frire et couvercles de poubelle. Vite, elle est allée chercher son père et ses frères en renfort.
Les Indiens et les garçons avaient mis les pirates en déroute. Et ensuite, les garçons s’étaient emparés du navire de Crochet.
- Hourra ! s’écria Peter. On va pouvoir faire du bateau et je serai le capitaine !
Clochette était radieuse : Peter avait annoncé qu’ils allaient ramener Wendy chez elle. Habillé en capitaine pirate, il arpentait le pont du bateau en agitant son index replié en crochet. Il lançait des ordres bizarres, auxquels personne ne comprenait rien :
- Bord à babar ! Prenez du riz dans les basses voiles ! Vissez le cacaotès et le perroquet ! Bordez le phoque dans son lit !
Peter n’était pas un très bon capitaine, mais le bateau avançait quand même. Chahuté par les vagues, tiré par les courants, poussé par les vents, au bout de la troisième nuit, il arriva enfin en vue des côtes du monde réel.
- John et Michael, affalez-vous dans les voiles et jetez l’encrier ! ordonna le Capitaine Peter. Nous finirons le voyage en volant. Ça ira plus vite. Mais Wendy, tu vas bientôt être chez toi.
Ils planaient maintenant au-dessus de la ville.
- Regardez ! s’écrièrent les enfants Darling. Voilà notre rue ! Voilà notre maison !
La fenêtre ouverte leur tendait les bras. Wendy et ses frères entrèrent et vite, se faufilèrent dans leurs lits.
- Au revoir, Maman Wendy, dit Peter avant de reprendre son vol. Je reviendrai te voir à chaque printemps nouveau. Promis !
Huit heures sonnèrent. La porte de la chambre s’ouvrit doucement. Odeur de chocolat fumant, muffins, et jus d’orange. Madame Darling apportait le petit déjeuner du dimanche.
- Ah ! Mes enfants, j’ai rêvé que vous vous étiez envolés.
Monsieur Darling la suivait.
- Moi aussi, j’ai rêvé. J’étais devenu un papa chien de garde, pour mieux veiller sur vous. Je dormais dans la niche de Nana et j’allais au bureau tenu en laisse.
Ils éclatèrent de rire et, pour la première fois, le baiser de Madame Darling s’envola vers ceux qu’elle aimait.
Quand le printemps revint, Peter Pan revint lui aussi à la fenêtre. Mais Wendy le trouva bien petit. Il revint une autre fois encore, deux ans plus tard. Et puis, il oublia sa promesse. Wendy aussi l’oublia.
Elle grandissait. Elle devint une dame sérieuse et se maria. Elle eut une fille nommée Jane. Et une nuit, Peter vint chercher Jane et ils s’envolèrent ensemble vers le pays de Neverland.Et puis Jane grandit et devint à son tour une dame sérieuse. Elle eut une fille nommée Margaret qui, une nuit, s’envola elle aussi pour devenir la maman de Peter. Quand Magaret grandira, elle aura une fille sui deviendra à son tour la nouvelle maman de Peter Pan.
Et les choses continueront aussi longtemps qu’il y aura des enfants joyeux, innocents et sans cœur !