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[Interview] Daniel Bloch – Optique

Directeur de recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) , physicien, spécialiste d’optique, lasers et nanotechnologies, Université Sorbonne Paris Nord

Quel est votre métier ?

Je suis chercheur scientifique au CNRS, depuis plus de 40 ans. La plupart de mes collègues sont des enseignants-chercheurs (au masculin ou au féminin) qui eux, appartiennent, à l’université, et qui doivent enseigner, en plus de faire de la recherche. J’ai eu parfois aussi des enseignements à assurer, et toujours j’encadre des étudiants, dans leur période de doctorat, quand ils apprennent à faire de la recherche (même si cela ne devient pas leur métier, ils auront été « formés » par la recherche).

Je suis physicien, et je travaille dans l’optique (pas « la lunetterie », mais les lasers, les phénomènes lumineux), avec des gaz, ou avec du « chaud » (comme les fours ou les bûches de feu de bois, qui émettent de la lumière),et avec une lumière pas toujours « visible » ( il y a l’infrarouge, ou l’ultraviolet). L’optique est devenue (depuis le XIXème siècle) une branche de l’électromagnétisme. Je suis proche aussi de tout ce que l’on appelle « propriétés quantiques », qui sont typiques du monde « microscopique » ou « atomique ».

Je travaille pour la « recherche fondamentale ». L’enjeu principal est de  comprendre quelque chose que l’on ne comprenait pas, ou de rendre « observable » ce qui nous restait caché, sans être en général guidé par une application (mais parfois, il y a une « application », qui est de simplifier une méthode nouvelle de créer un nouvel outil qui n’intéressera d’abord que d’autres physiciens, etc.). Plus ce que l’on trouve, ou ce sur quoi on cherche, est « intéressant », mieux c’est… Il n’est pas forcément difficile de « trouver »  quelque chose d’inconnu, trouver quelque chose d’intéressant est plus rare…  Un peu comme le chercheur d’or, il faut retourner beaucoup de pierres, avant de trouver la bonne ou le bon filon. Donc… mieux vaut avoir:  du flair, de l’énergie au travail, et de la chance aussi.

A quoi ressemble votre journée de travail ?

Plus jeune, quand j’étais un expérimentateur qui « tournait les boutons », c’était plus facile à décrire, avec une matinée à faire souvent chauffer l’appareillage, dépouiller les résultats de la veille, et les consigner sur le cahier d’expériences, et ensuite, nouvelles expériences, avec prises de données, ou nouveaux réglages optiques, ou « bataille » contre le « bruit », qui parasite le signal. Mais outre ces journées typiques, il y a toujours eu du temps pour « écrire », un article, un compte-rendu, un projet pour financement ou pour administration (recrutement, séjour temporaire d’un visiteur), du temps pour calculer, pour réfléchir et pour lire et continuer à avoir des idées « nouvelles » et qui restent « d’actualité ».

Je reste pour l’essentiel un expérimentateur, mais sénior, qui confie à des plus jeunes l’essentiel des tâches expérimentales. Comme un chef d’atelier, je sais encore à peu près toutes les procédures, et je pose les questions pour être sûr (ce qui n’est jamais gagné !) que le travail de ceux qui enregistrent les résultats, ou qui font les réglages optiques, ont bien pris en considération toutes les difficultés spécifiques au projet, pour que les « résultats » obtenus puissent être validés. Je passe donc volontiers une part de mon temps  en salle d’expériences.

Beaucoup de mon temps est à lire ce qui est publié, ou aussi à être « relecteur » pour savoir si un travail extérieur mérite d’être publié, ou à écrire, pour « un article » en racontant ce que nous faisons qui soit intéressant et/ou original,  ou pour une « conférence » qui permettra d’échanger des idées, avec des personnes susceptibles de s’intéresser à votre travail. Echanger des idées en interne (dans l’équipe), ou avec des externes, est une nécessité. Et une part précieuse du temps est pour « réfléchir » à ce que l’on trouve et que l’on ne comprend pas, à ce que l’on aimerait trouver, et qui ne se manifeste pas, ou à de nouvelles idées. Et parfois, il faut pour les mettre en oeuvre, un nouveau matériel ou instrument… Il faut choisir ce qui sera utile, trouver le bon fabricant,  et il faut des crédits pour l’acheter, d’où du temps pour des demandes de financement, en justifiant l’intérêt de ce que l’on rêve de faire). 

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans ce métier ?

Plusieurs « choses »…

– mieux comprendre « le monde » (physique) et l’Univers (d’où, aussi, du plaisir à le « raconter », en »vulgarisant », avec The Conversation Junior ou autre)

– un côté artisanal, raconté dans ma « journée », liberté et responsabilité dans son projet.

– Avoir l’occasion d’écouter les travaux de très grands chercheurs (dans certaines conférences, ou dans des séminaires), qui stimulent nos propres préoccupations scientifiques.

– La recherche est internationale, et beaucoup de collègues ou visiteurs, sont étrangers.

Depuis quand aimez-vous la science ?

Longtemps sans doute (le lycée au moins), mais avec des déceptions entre ce que j’espérais apprendre ou comprendre, et ce que l’on m’expliquait, avec une limitation à des cas tellement « simples » que la complexité des choses restait un peu trop cachée.

Quel est votre plus beau souvenir scientifique ?

Le « premier signal » d’une expérience est toujours émouvant, et c’est assez un « instantané » pour faire « souvenir », surtout quand on « tente » une expérience, avec juste l’idée que cela a « des chances de marcher ». Obtenir une « oscillation laser » (c’est à dire faire qu’un laser « lase », en émettant de la lumière) est aussi une joie pour certains lasers que l’on fabrique soi-même.

Quel conseil donneriez-vous à des élèves qui veulent devenir scientifiques ?

De la curiosité… Du travail… Ne pas se décourager devant les difficultés à comprendre (tout en restant réaliste sur son « niveau »), ne pas penser que c’est un défi infaisable (mais quand même un défi, oui !)