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[Interview] Elise Huchard – Ethologie

Ethologue, chargée de recherche au CNRS, spécialisée dans l’étude du comportement animal et plus particulièrement des mammifères sociaux. Université de Montpellier

Quel est votre métier ?

Je fais de la recherche sur le comportement des animaux. Ma discipline, l’étude du comportement des animaux, s’appelle l’éthologie. Ce mot vient du grec ‘ethos’ qui signifie comportement et ‘logos’ qui signifie ‘étude’. Je suis spécialiste des primates, donc on peut aussi dire que je suis primatologue.

A quoi ressemble votre journée de travail ?

Cela dépend si je suis au bureau ou sur le terrain avec les singes en Afrique. Dans le 1er cas, je lis beaucoup de documents sur le comportement des primates, et j’analyse aussi les données comportementales que je collecte. Il y a beaucoup de statistiques pour cela, pour lesquelles on a besoin de mathématiques. J’écris ensuite le résultat de mes travaux dans des articles qui sont publiés dans des revues spécialisées pour les chercheurs, en anglais. Et quand je vais sur le terrain, je pars en Namibie, un pays au sud de l’Afrique, et je passe mes journées, avec mes collègues, à suivre deux groupes de babouins sauvages qui sont habitués à la présence d’observateurs humains depuis des années. Ils ne font pas attention à nous même lorsque nous sommes au coeur du groupe, et nous pouvons noter tous les comportements qui nous intéressent. Par contre, c’est une savane désertique où il fait très chaud, les journées sont très longues et il faut marcher beaucoup avec un sac lourd dans un paysage montagneux. C’est très dur, mais vraiment passionnant de partager la vie des babouins. Nous connaissons la vie de chaque membre du groupe, des plus petits aux plus vieux, et nous les suivons depuis 15 ans.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans ce métier ?

J’essaie de comprendre les comportements sociaux: comment les babouins vivent en groupe, comment ils coopèrent ou au contraire pourquoi ils rentrent en conflit, ou encore comment ils élèvent leurs petits et se comportent avec les autres membres du groupe, avec les membres de leur famille, s’ils développent des relations amicales les uns avec les autres. Plus généralement, j’essaie de comprendre comment ils voient et perçoivent le monde.

Depuis quand aimez-vous la science ?

J’ai toujours été passionnée par le monde vivant et la psychologie.

Quel est votre plus beau souvenir scientifique ?

Il y a eu tellement de moments forts en émotions sur le terrain, au contact des babouins. Parfois ils nous amènent dans des endroits complètement inconnus et magnifiques, alors qu’on pense connaître chaque recoin de leur domaine vital que l’on parcourt chaque jour à leurs côtés. Il y a aussi ces surprises quant à leur comportement: on peut découvrir de nouveaux comportements qu’on ne soupçonnait pas, alors qu’on les étudie depuis des années. Parfois simplement parce que ces comportements étaient là, sous nos yeux, mais nous ne pensions pas à les étudier. Par exemple, en ce moment j’étudie les comportements de compétition dans les fratries, et comment les frères et soeurs peuvent rivaliser pour obtenir l’attention de leur mère. Les jeunes cherchent souvent à interrompre leur mère quand elle donne de l’attention à un petit frère ou une petite soeur, par exemple en le/la toilettant, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un frère ou soeur plus jeune qu’eux et de même sexe qu’eux. Ces comportements ressemblent énormément à la jalousie que les jeunes enfants montrent à l’égard de leur frère ou de leur soeur.

Quel conseil donneriez-vous à des élèves qui veulent devenir scientifiques ?

Il ne faut pas être effrayé par les matières et les filières scientifiques, surtout si on est une fille. Ces matières ne sont pas plus difficiles que d’autres, et c’est souvent plutôt l’idée qu’on s’en fait qui les rend difficiles d’accès. Il faut foncer sans se poser de questions, et les femmes sont autant capables que les hommes de devenir d’excellentes scientifiques donc il ne faut pas hésiter! Aussi, je pense que ce type de formation donne des clés et des points de repère très importants pour savoir où trouver des informations fiables, ce qui est précieux dans le monde qui nous entoure, où les ‘fake news’ sont légion. Et on a tellement besoin de jeunes scientifiques pour relever tous les défis écologiques qui nous attendent!