L’apparition et la diversification des arbres sur Terre sont le résultat d’une longue évolution. Il y a plus d’un milliard d’années, les premiers végétaux étaient sans doute des algues vertes minuscules qui peuplaient l’océan. C’est à partir de ces algues que d’autres végétaux, de petites plantes proches des mousses, ont colonisé la terre ferme il y a 500 millions d’années. Puis d’autres plantes terrestres se sont diversifiées, parmi lesquelles les fougères et plantes à graines.
Parmi cette multitude de plantes, de nombreuses espèces sont des arbres, d’autres sont des herbes, des lianes, des plantes aquatiques, etc. Mais que désigne-t-on par arbre ? Pour certains botanistes, les arbres doivent avoir un tronc qui résulte d’une croissance en épaisseur continue, conduisant à la formation de bois. Pour d’autres botanistes, comme le spécialiste des arbres Francis Hallé, les arbres sont toutes les « grandes » plantes, à longue durée de vie, avec un tronc à croissance verticale même sans former de bois (ce qui inclut donc les fougères arborescentes, palmiers, bananiers et dragonniers).
Peut-on dire que toutes les espèces d’arbres sont apparues à partir d’une seule espèce d’arbre ancestrale ? Répondre à cette question demande de reconstituer les liens de parenté entre les espèces d’arbres. Le résultat de cette démarche comparative des espèces aboutit à une conclusion claire, indépendamment de l’une ou l’autre définition de l’arbre : les espèces d’arbres appartiennent à des familles botaniques diverses et éloignées dans lesquelles on trouve souvent à la fois des arbres et d’autres formes comme des herbes par exemple.
Cela signifie que les espèces d’arbres ne sont pas plus étroitement apparentées entre elles qu’elles ne le sont d’autres formes de vie végétales (comme les herbes). En d’autres termes, les arbres sont apparus plusieurs fois indépendamment au cours de l’évolution, et il n’y a finalement pas une espèce d’arbre qui soit l’ancêtre de toutes les autres.
Si les arbres ont été inventés plusieurs fois au cours de l’évolution, c’est que la hauteur procure de formidables avantages. Comme les plantes ont besoin de lumière pour réaliser la photosynthèse et se développer, se hisser au-dessus des autres est une stratégie évolutive très efficace ! L’élévation des plantes permet aussi de propager les organes de dispersion (spores ou graines) sur de plus grandes distances. Ainsi, toute une diversité de plantes a évolué avec certaines formes arborescentes apparues il y a un peu moins de 400 millions d’années.
Ces arbres des périodes très anciennes sont connus grâce aux fossiles que l’on peut trouver dans les roches qui se sont formées au moment de la vie de ces arbres ou peu après. Il existe même des forêts pétrifiées (c’est-à-dire transformées en pierre) avec des milliers de troncs d’arbres. Le site le plus connu est celui du Parc national de la Forêt pétrifiée en Arizona, inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco.
L’espèce majoritairement représentée est maintenant éteinte, Araucarioxylon arizonicum, et date d’environ 200 millions d’années.
Les premiers arbres connus sur Terre sont encore bien plus anciens et datent d’il y a 380-385 millions d’années : Archaeopteris avait des troncs de près de 40 m de haut et formait de vastes forêts, tandis que Wattieza ne dépassait pas 10 mètres de haut mais est la plus ancienne espèce d’arbre connue composant la plus ancienne forêt fossilisée, la forêt de Gilboa dans l’État de New York.
Certaines familles d’arbres existent depuis ces périodes anciennes. C’est le cas des Ginkgoaceae (la plus ancienne famille d’arbres actuels), apparus il y a environ 265 millions d’années, et toujours représentée par l’espèce Ginkgo biloba, indigène en Chine et abondamment plantée ailleurs.
Les arbres actuels ne concernent plus que deux groupes. Le premier, les Gymnospermes (surtout des conifères), est le groupe le plus ancien, composé d’un millier d’espèces actuelles (sapins, pins, cèdres, genévriers, mélèzes…). Certaines espèces n’ont été que récemment découvertes et décrites, comme le pin de Wollemi. Cet ensemble comprend des formes originales comme la Welwitschia du désert de Namib, dont la hauteur maximale atteint à peine plus d’un mètre ! Le second groupe, les Angiospermes ou plantes à fleurs, est bien plus diversifié (plus de 60 000 espèces actuelles d’arbres), parmi lesquelles les chênes, pommiers et oliviers.
Les arbres sont adaptés à des conditions climatiques diversifiées, depuis des climats chauds et arides (dans des régions désertiques) jusqu’à des climats froids et humides (forêts boréales). Mais c’est dans les régions tropicales (0°-23° en latitude nord et sud) que les peuplements d’arbres sont les plus riches et diversifiés. Par exemple en Guyane française, on dénombre plus de 1 700 espèces d’arbres, alors qu’en France métropolitaine il n’y a environ que 138 espèces d’arbres présents sur une superficie six fois plus grande !
Cet article a été publié par The Conversation France – Licence Creative Commons. Auteur(e.s) : Serge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) & Germinal Rouhan, Maître de conférences, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), botaniste systématicien, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)